Je ne dois pas céder à la tentation, même si elle est grande, même si elle est énorme et que je la sens grandir un peu plus en moi chaque seconde... Mon père est là, et je ne dois pas aller dans ce placard. Je ne dois pas fouiller avec cette irrésistible envie de tout prendre et de tout...engloutir. Car c'est bien de manger qu'il s'agit.

J'ai un problème avec la nourriture. Je l'ai toujours eu je crois. Chaque fois que ça allait mal, que je n'étais pas bien, que je rentrais énervée, blessée (intérieurement) ou avec un grand sentiment de solitude de l'école/du collège/du lycée, je me préparais un goûter digne de Pantagruel. Un grand bol de lait, des tartines de Nutella/beurre-confiture, des yaourts (rien que du chocolat, du liégeois, ou du nature avec du chocolat en poudre). Je suis même allée jusqu'à mélanger du beurre et du Nutella sur la même tartine! Et même, du liégeois délayé dans du lait... En y repensant, c'est pas très ragoûtant, mais à ce moment-là, ça me calait le ventre. Je faisais des mélanges horribles (mais toujours du sucré). C'était facile, mes parents rentraient tard du boulot. Toujours une heure et demie après moi, ce qui me laissait le temps de manger. Me remplir est peut-être un mot plus juste. Quand ils rentraient, j'avais déjà tout rangé, tout remis en place. Je leur disait que j'avais goûté mais sans plus. Juste une tartine ou deux. Jamais je ne leur ai vraiment dit ce que j'ingurgitais. Vers 19 heures, avant de manger, j'allais en cachette dans le placard prendre des chips, des gâteaux apéritifs, des trucs salés. Et je retournais dans ma chambre. Je restais devant la télé (oui, dans ma chambre) et j'engloutissais encore, encore et encore. Jusqu'à l'heure du repas. Et là, je mangeais un vrai repas. Entrée, plat et dessert. Puis j'allais me coucher, le ventre plein. Remplis jusqu'au lendemain matin, où je déjeunais normalement. Je prenais un en-cas pour dix heures. Un croissant donné par mon père, ou une barre du style Mars, Twix, Sundy, Bounty... Toujours il m'a donné une bricole à manger. Une mauvaise habitude, je sais. Je l'ai prise, cette mauvaise habitude. Et elle ne me quitte pas. Elle est toujours là.

Quoique ces derniers temps, je me contrôle plus qu'avant. Il faut dire que je ne vois plus Julie (une fille qui bosse avec moi, mais qui est en arrêt maladie). On s'entendait super bien. Elle a 27 ans, et elle aussi des problèmes avec la nourriture. Quand on était toutes les deux, il n'y en avait pas une pour rattrapper l'autre: on était toujours dans des supermarchés et on passait des heures dans les rayons de bouffe avant de choisir avec quoi on allait se remplir le ventre. Je suis même allée jusqu'à manger des nuggets de poulet froids à quatre heures de l'après-midi!!!!! Quand j'y repense aujourd'hui, je me dégoûte. Là, Julie est chez son père, à Rouen. Elle vient de se faire opérer de l'estomac. Pour mincir. C'est vrai qu'elle est un peu forte. Et qu'elle a un réel problème avec son corps. Elle ne le supporte tellement pas qu'il lui est arrivé d'avoir des pulsions... destructrices.

Je ne suis pas grosse, et ma mère m'a toujours dit que pour ma taille, mon poids était très bien. Je mesure 1m63 pour 50 kilos (sur la balance du médecin, la mienne rajoute des kilos!!!!). C'est vrai que je ne suis pas grosse, je ne suis pas difforme. Je ne suis pas obèse. Je suis bien. Habillée, je paraît bien foutue, Audrey me le répète sans arrêt. Mais je ne supporte plus mon corps. Mes hanches trop larges, mes mollets trop gros. Ma taille trop large, mes côtes trop saillantes... Je ne m'aime vraiment pas. Mais le fond du problème n'est peut-être pas là, car on n'est jamais vraiment satisfait de son propre corps, et on trouve toujours les autres mieux que soi. Mon problème vient peut-être du fait que quand je ne me sens pas bien: trop seule, trop moche, trop nulle, je n'ai envie que d'une chose: ouvrir mon placard et manger. Manger ce qui me tombe sous la main. Je ne fais plus de distinction entre le salé et le sucré. Ce qui m'importe, c'est de manger. Ca me donne l'impression d'exister. Pendant un court instant, que j'essaie de prolonger le plus possible. Je ne me suis jamais faite vomir. Je garde tout, quitte à garder aussi mon mal de ventre. Quand je le sens gargouiller et que j'ai vraiment trop mal tellement j'ai mangé de tout et n'importe quoi, je me dis que c'est bien fait pour moi. Que je l'ai mérité, que ça me donnera une leçon, et que le souvenir de la douleur m'empêchera de recommencer. Que nenni! Je recommence quand ça ne va pas.

Je n'avais plus ressenti cette envie de manger depuis...Depuis mon anniversaire. Non, depuis le départ de mes parents en vacances. Cela coïncide avec l'arrivée de mes amis dans ma vie. Il y avait toujours du monde autour de moi. Cela m'a empêché de me replier sur moi-même et de trop penser à ma solitude intérieure. Et là, aujourd'hui, j'ai eu de nouveau envie de manger. Mon père est sorti pendant une heure et demie. J'en ai profité pour me ruer sur la baguette de pain et mon bol de choco-lait. J'ai fait griller le pain, j'ai trempé mes tartines et j'ai mangé. Juste la demi-baguette. J'ai bu mon bol. Et j'ai tout rangé. Tout lavé. J'avais honte. Je me sens toujours mal après avoir mangé comme ça. Et vers 17 heures, j'ai encore eu cette envie de me remplir. J'ai pris le pot de nutella et une cuillière. Je n'en ai pris qu'une. Je me suis dégoutée. Je me suis vue dans la glace de ma chambre manger en cachette. Et je me suis dégoûtée. J'ai tout reposé: le pot dans le placard, la cuillière dans l'évier. Et je me suis rassise. Face à la télé. Et ce soir, c'est moi qui devait faire la cuisine. Depuis dimanche, en fait, je me propose. Mes parents apprécient, et moi aussi, parce que je n'ai pas pour but de préparer des choses pour me remplir, mais pour faire plaisir à mes parents. Pour qu'ils soient fier de moi. Au moins dans un domaine!! Parce que si je compte sur mon parcours scolaire pour qu'ils soient fier de moi, je peux toujours courir!!

D'ailleurs, en parlant de courir, je voulais m'y mettre avant l'été, parce que je me trouvais moche. Je me disais que courrir m'aiderait à reformer un corps et à l'accepter. Mais je ne peux pas faire trois pas sans être essouflée. Pourtant je ne fume pas!!!!! Et puis, j'aime pas courrir. N'empêche que cet été, avec la chaleur et mes sorties, je n'ai pas beaucoup mangé. Et j'ai perdu du ventre. J'avais un petit bidon que JM trouvait "mignon". Je ne l'ai plus. Enfin, il en reste un petit peu. Mais ça va. J'ai moins de cellulite, moins de vergetures. Et puis, quand je ne me regarde pas de trop près, je n'y fais pas attention. Ou tout du moins j'essaie. Alors il faut que je ne mange plus comme une goinfre. Que je me résonne et que j'arrête de vouloir me remplir de nourriture, moi qui ne veut que me remplir d'amour... Je crois bien que c'est ça, non? Les boulimiques et autres déréglées de la nourritures (comme moi) ont un besoin d'amour tellement grand qu'elles le comblent avec la nourriture... Ben oui, mais là, je n'ai personne à qui donner ce trop plein d'amour. Et je n'ai personne qui m'en donne comme j'en veux. De toute façon, je n'ai que 20 ans et le temps de me caser. Masi je ne veux plus me dégoûter comme ça, avec la nourriture. Arriverais-je à avoir un rapport sain avec la nourriture? Nourriture. J'aime ce mot. Le son qu'il a, l'image qu'il me renvoie est belle, je trouve. Mais quand je me vois manger en cachette, je ne le trouve plus si beau que ça.

Je me suis lachée aujourd'hui. Ca fait du bien. Ca soulage. Jamais je n'avais parlé, ou même écrit dans mon journal de papier, de ce problème de nourriture. De ce rapport ambigu qui nous lie elle et moi.

Si vous avez des conseils, des avis, gentils ou pas, bons ou mauvais, je prends!! N'hésitez pas!!

Bisous et bonne nuit!...