Je me demande quelque fois si je ne cherche pas le baton pour me faire battre, ou tout du moins à me faire du mal toute seule.

Hier, c'était mon dernier jour en tant que caissière. J'étais nostalgique, mais aussi un peu contente de ne plus avoir à être de marbre lorsque les clients se comportent comme les derniers des idiots (et ça arrive souvent). Mais je ne montrais que ma joie de partir de cet univers, je ne montrais pas cette petite tristesse qui commençait à m'envahir. Je ne voulais pas que les autres pensent que j'allais regretter ce job. Parce que c'est vrai, je ne vais pas vraiment le regretter. Mais c'est comme si pendant un an j'avais fait partie d'une grande famille (un peu faux-cul, mais bon, toutes les familles ont leur défauts!!) et que là, je doive m'en séparer. Ce que je vais regretter, ce sont les fou-rires avec Nathalie, les papotages avec Audrey quand on est face à face, et pleins d'autres choses, comme le pétage de plombs le soir, quand les clients sont tous infects... Il y a tellement de petites choses qui peuvent paraître absurdes aux yeux des autres, mais qui me manqueront un peu...

Je n'ai dit à personne que j'allais quand même le regretter ce job. Pour les filles, pas pour le job en lui même. Ca ne sera plus pareil quand j'irai les voir. Je ne serais désormais plus que cliente. Je ne serais plus caissière. Je ne ferais plus jamais mes courses habillée en rouge et vert, je ne serais plus une borne de renseignements pour clients perdus... Ca peut paraître idiot, je sais, puisque je râlais souvent à propos de ces petites choses...

Hier ma copine Audrey m'a proposé de sortir. Au Palace, ma boîte préférée. Mais je ne voulais pas. Je ne me sentais pas de sortir, de voir du monde que je ne connaissais pas. Je ne voulais pas rentrer chez moi en sentant la sueur et la clope (une des raisons pour lesquelles je ne fume pas: l'odeur). Je ne voulais pas me mêler à une foule que je ne connaissais pas. Je ne voulais voir personne en fait. Audrey m'a relancé je ne sais pas combien de fois pour que j'y aille. Mais une fois rentrée chez moi, après avoir dit au revoir à tout le monde au boulot, je lui ai envoyé un message. Non je ne viendrais pas ce soir. J'étais crevée, trop pour sortir (véridique!!), j'avais besoin de ma soirée télé sous ma couette. Je lui ai dit qu'elle m'en voudrais sûrement, et je m'excusais de ne pas venir. Je lui souhaitais aussi de passer une bonne soirée avec son chéri. Et de ne pas m'en vouloir. Je lui faisais de gros bisous. Et je n'ai pas eu de réponse.

Vers onze heures, j'ai eu un message de Philippe, un très bon copain. Sur le texto, il me disait que finalement, il allait au Palace. ( quand je lui avais demandé hier, il m'avait dit qu'il allait ailleurs). Assise sur mon lit, en pijama, je regrettais un peu de ne pas y être allée. Je regrettais de n'être pas allée voir mes amis. Je m'en voulais de n'avoir pas passé une soirée avec eux, alors que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu.

Je suis sûre qu'ils vont me faire la tête. J'ai peur qu'il me fassent la tête. J'ai peur qu'ils ne m'aiment plus, mes amis. J'ai peur de ne plus avoir de place dans leur coeur, car j'ai refusé une invitation. Une occasion de les voir. J'ai refusé de les voir... Je suis une amie indigne!!!!!! Je ne suis qu'une fille égoïste, qui ne pense qu'à elle. Je suis nulle!! nulle!! nulle!! nulle!!

Mais je n'avais pas le moral pour sortir. J'étais triste, hier. Pas très enjouée. Je l'ai caché au boulot, tellement bien qu'Audrey a cru que je ne venais pas parce que je n'avais plus envie de les voir. Mais si je veux les voir!! Mais je veux les voir ailleurs que dans une boîte, où on ne peut ni discuter ni rire de petites choses idiotes qui nous lient!!! Je veux les voir dans un cadre plus calme, plus clair, plus apte au partage.

Je ne voulais pas dire à Audrey que je n'avais pas le moral. Je ne voulais pas lui dire que j'ai quelque fois des moments de déprime sans vraiment savoir pourquoi. Je voulais lui dire que même si je l'aime énormément, hier soir était un moment de déprime, un moment où je voulais être seule.

Mes amis ne m'ont jamais connue déprimée. Cet été, tout le temps que l'on a partagé ensemble, j'ai toujours été disponible, joyeuse, pleine d'entrain. Jamais ils ne m'ont vue triste, déprimée, nostalgique. Jamais ils ne m'ont vu comme hier soir. Jamais. Et je ne voulais pas qu'ils me voient comme ça. Parce qu'il n'y avait pas vraiment de raison à ma tristesse. C'était juste un spleen, une tristesse ancrée en moi qu'il faut que je laisse sortir et s'exprimer de temps en temps.

Et puis, j'ai toujours dit oui quand ils me proposaient quelque chose, que ce soit sortie ou repas. Et là, j'ai l'impression qu'Audrey n'acceptait pas que je dise non. Peut-être que je lui manquais aussi. Peut-être qu'elle tient vraiment à moi comme une amie. Peut-être qu'elle avait vraiment envie de me voir et de me montrer son tout nouveau bonheur avec son chéri. Et moi, j'ai refusé sous prétexte que j'ai envie d'être seule? Mais quelle amie suis-je donc pour refuser de participer au bonheur de mes amis? Pourtant, ils me manquent!! Et je les aime très fort...

Suis-je une amie indigne? Suis-je indigne de recevoir leur affection et de partager leur vie? Devrai-je m'expliquer à Audrey la raison pour laquelle je préférais être seule hier soir?

Répondez-moi.Aidez-moi.